L'ancien international sénégalais parle du Mondial
2002
Habib Bèye, ancien international sénégalais |
«La Coupe du monde 2002
restera à jamais gravée dans mon cœur. Notre aventure a commencé en 2001. Je
n’ai pas envie de retenir un souvenir particulier, mais cette épopée a été
exceptionnelle parce qu’on est passé par tous les sentiments. C’est vrai qu’en Égypte
on a perdu par 1-0, dans des circonstances difficiles (lors des éliminatoires,
ndlr). On pensait que c’était presque terminé, mais ensuite on bat le Maroc à
domicile et ensuite on continue à y croire. À Windhoek, même si on avait gagné
contre la Namibie (5-0), le match entre le Maroc et l’Égypte qui n’en finissait
pas nous avait un peu tétanisés. Mais aller en Coupe du monde en étant un tout
petit pays comme le nôtre, pour la première fois, c’était incroyable. L’émotion
était aussi forte lorsqu’on est arrivé en quarts de finale. J’ai toujours une
petite pensée pour Bruno Metsu, Mansour Wade et Jules Bocandé, ce staff qui
nous a guidés. Pour nous, notre palmarès de quart-de-finaliste était une
victoire. Et comme le Président de l’époque l’avait dit, on avait gagné notre Coupe
du monde à nous.
Ce qui est incroyable,
c’est quand on fait un parcours comme celui-ci, vous marquez toute une
génération. Nous, on a marqué toutes les générations. Je croise des garçons qui
me disent qu’ils avaient entre 7 et 8 ans lorsqu’ils couraient après le bus.
Aujourd’hui, ils ont 25 ans. J’ai l’impression qu’on a marqué toutes les
générations. Mon père à aujourd’hui 73 ans, il est marqué à jamais avec ce qu’il a vécu parce qu’il
avait son fils dans cette équipe là. Au-delà du fait que c’était un souvenir de
football, c’était aussi la représentation de mon pays même si je ne renie pas
mes racines du côté de ma maman qui est Française. Malgré la défaite, c’était
moins une déception que la finale perdue de la CAN-2002. Cette finale manquée
était un vrai crève-cœur. Au Mondial, presque tout le monde entier était pour
le Sénégal. Après l’élimination de la France, tous les Français avaient le
drapeau du Sénégal, jusque dans les bars, pour nous supporter.
On a été de vrais fêtards
en 2002. On n’a jamais renié le fait d’être fêtards. Quand on est arrivé au
rassemblement, on était tous là le dimanche ou le lundi, selon les derniers
matchs de clubs. Et la première chose que Bruno Metsu nous disait
c’était : «les gars, on est en
regroupement. Vous êtes libres de faire ce que vous voulez, quand vous voulez
hors des entraînements. Mais, j’ai besoin d’une équipe qui, lorsqu’elle
s’entraîne, est mobilisée, concernée sur ce qu’on a à faire. Par contre, il y a
une chose que je vous demande. À partir de jeudi, tout le monde est à l’hôtel,
personne ne sort». Et lorsque vous avez des joueurs comme Habib Bèye qui
était un joueur plus ou moins simple à gérer, vous avez aussi un El Hadji Diouf
qui est plus difficile à gérer.
«J’étais
ordinaire, Diouf et Fadiga étaient extraordinaires»
Mais ce n’est pas parce
qu’il est plus difficile à gérer qu’il ne reste pas un joueur extraordinaire.
C’était un joueur extraordinaire comme Khalilou Fadiga. Moi, j’étais un joueur
ordinaire. Mais c’est ce qui fait l’équilibre dans un groupe. Si vous avez onze
joueurs extraordinaires qui n’ont pas la même vision du football, vous n’aurait
jamais d’équipe. Bruno avait compris que cette équipe avait besoin de liberté.
Il nous la donnait. En revanche sur le terrain, on rendait la pièce de la
monnaie. On a eu des moments difficiles, mais cette génération a démontré
qu’elle avait de la qualité, malgré le fait qu’on nous taxait de fêtards.
Encore que, toute l’équipe n’était fêtarde. Il y avait des gens très sérieux.
Je pense à Pape Malick Diop, Aliou Cissé, Salif Diao, Ferdinand Coly… qui
étaient des joueurs qui n’avaient pas besoin de faire la fête. Ça ne
correspondait pas à leurs caractères en tant que footballeurs. Ils aimaient rester
à l’hôtel. Mais, Habib Bèye, Khalilou Fadiga, El Hadji Diouf nous sortions
beaucoup. Sylvain Ndiaye par exemple n’était jamais dehors.
Est-ce que cela nous a
porté préjudice ? Je dirais que parfois, il y a beaucoup de fatigue, mais
je crois que cette équipe ne pouvait pas se construire autrement. Et ça Bruno
l’a compris très tôt. Les sélectionneurs qui sont arrivés après, on voulu faire
différemment mais ça n’a pas fonctionné. Vous savez dans quel pays on est. Le
Sénégal est ce pays avec la joie de vivre. On veut échanger avec les amis et
nos familles. Je vous donne une anecdote simple : à la veille du match
contre la France, Bruno est venu dans notre chambre, il y avait El Hadji,
Fadiga, Ferdinand, Lamine Diatta et moi. Il était une heure et demie du matin.
Il nous dit, ‘’les gars est-ce que vous savez que demain on a match ?’’ On
lui a dit oui. Il dit, ‘’Vous n’allez pas vous coucher ?’’ On a dit :
‘’si on va y aller’’. Il est reparti. Il n’a pas dit ‘’allez les gars au lit’’.
Bruno avait confiance en
nous et il savait qu’on était responsable. Ceux qui sont venus après sont
arrivés avec des règles. Si vous demandez à El Hadji Diouf de se coucher à 09h00
du soir, toute la semaine, ce n’est pas El Hadji. Moi, je l’ai vu évoluer. Tout
le monde lui tapait dessus. Il disait : ‘’attendez le jour du match. Je
vais vous montrer ce que c’est’’. Il marque un, deux ou trois buts. Ibrahimovic
aujourd’hui a dit partout qu’il est une légende. C’est normal parce qu’il a mis
38 buts cette saison. Si vous sortez tous les soirs et que vous perdez, les
gens vont dire qu’ils passent tout leur temps à sortir. Mais si vous sortez
tous les soirs et vous gagnez, personne ne dit rien».
Source : Stades
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