«Avoir le potentiel ne
suffit pas pour décrocher un titre»
Amadou Sène, coach des Lionnes |
L’équipe
nationale féminine du Sénégal fait du surplace depuis 2009 au pied du podium
continental. La persistance d’une situation due au manque de moyens, d’après le
sélectionneur Amadou Sène, qui demande un traitement égal de toutes les Fédérations
sportives au Sénégal.
Entretien
L’équipe
nationale féminine a encore une fois terminé à la 4ème place au Championnat
d’Afrique 2017…
Je dirais que c’est un bon
bilan sur le plan sportif. Mais, quelque part, on revient avec un sentiment
amer, sachant que l’équipe a le potentiel pour s’imposer en Afrique.
Malheureusement, le cadre ne suit pas. Ce qui fait la différence chez les
équipes de haut niveau, ce sont les conditions de préparation. Le Sénégal a
besoin de gagner sa première médaille en volley-ball. Il faut que les autorités
comprennent que l’équipe a un potentiel sur le plan sportif pour décrocher un
titre. Cela nécessite un accompagnement. Une fois que cela sera fait, par la
grâce de Dieu, les résultats suivront pour le Sénégal. Lorsqu’il s’agissait de
préparer l’équipe de basket masculine, dont l’objectif était de chercher le
titre continental, elle était dans de bonnes conditions. Il faut que les
autorités mettent ce même dispositif dans le volley-ball pour aspirer à un
titre. Nous n’avons rien à leur apprendre.
Ce
dispositif nécessaire n’a-t-il pas été mis en place pour le volley-ball ?
Pas du tout. Je suis
désolé. Toutes les filles ont travaillé ensemble pendant deux ou trois jours.
On nous avait permis 10 jours de préparation en internat. Sur les 10 jours, on
avait rendu les athlètes disponibles. Mais les billets d’avion ont été disponibles
tardivement. Conséquence : cela a influé sur le temps de préparation pour
le groupe. On l’a dit et c’est assez désolant. Lorsque nous avons posé le
problème, on nous a fait savoir que le DAGE (du ministère des Sports) n’était
pas là et que c’est lui seul qui pouvait décanter la situation et donner des
billets d’avion. Donc, ceci était un handicap. On a fait avec. En plus, il y a
le problème du staff. Le volley-ball de haut niveau répond à certains critères.
Et un staff doit être complet. Dans une équipe, un staff qui va en compétition,
vous avez un entraîneur et les deux assistants, un kiné, un médecin. Et il y a
aussi ce qu’on appelle le scouting.
En
quoi le scouting peut-être un facteur déterminant ?
C’est un élément très
déterminant pour le volley-ball actuel. Le scouting permet d’observer
l’adversaire. De travailler sur leurs forces et sur leurs faiblesses et les
logiciels sont en place. Nous avons formé les techniciens qui ont le savoir
pour faire ce travail. Mais, si on ne les déplace pas qu’est-ce qu’on peut
faire ? Cela me rappelle en 2011 quand il y avait un match décisif entre
la Tunisie et le Sénégal pour passer en demi-finales. Nous avions fait le
sacrifice avec l’appui de la SOCOCIM d’amener un technicien scouting, qui avait
fait un travail énorme. Il nous avait aidés à prendre le dessus sur la Tunisie
qui avait une meilleure préparation que nous. Le scouting, c’est un élément
important. Donc, je pense qu’il est important de remettre de l’ordre, de se
passer d’une situation où on est à porte-à-faux avec le ministère des Sports.
Je veux juste que nous soyons objectifs, qu’on ouvre les yeux. Qu’on essaie de
voir ce qui se passe ailleurs et suivre. On ne réinvente pas la roue. Donc, les
équipes qui sont devant le Sénégal et même certaines qui sont derrière sont
dotées d’équipements appropriés pour vraiment aspirer à conquérir un titre
africain.
Vous
rentrez avec un sentiment d’amertume. Est-ce dû au fait que l’objectif de
départ n’a pas été atteint ?
L’objectif fixé, c’était
le podium. Mais l’environnement de préparation n’était pas conforme aux
exigences de haut niveau. La façon dont s’est préparée l’équipe nationale de
volley-ball, on n’oserait pas le faire avec l’équipe nationale de basket. On
n’oserait pas non plus préparer l’équipe nationale de football de cette façon.
Et pourtant, l’équipe nationale de volley-ball aspire au même titre que ces dernières
à des résultats. Et le volley-ball dispose des potentialités pour y arriver.
Donc, c’est une question de prise en compte. C’est tout. Il faut s’approprier
la chose et faire ce qu’on doit faire. Le travail des techniciens consiste à
faire des détections, la formation, à créer un environnement de compétition
pouvant permettre de progresser dans la discipline. Et cela a été fait. Mais
au-delà de cela, il faut aspirer à des titres africains. Sur ce registre, il y
a des exigences. Le Cameroun s’est préparé pendant plus de 3 semaines au Brésil,
le Sénégal l’a fait en moins d’une semaine à domicile. Dire que vous allez battre
le Cameroun en pensant que vous êtes plus forts, c’est injuste. L’autre chose,
quand on parle d’une équipe nationale, à mon avis, il doit y avoir un protocole
pour toutes les équipes nationales du Sénégal. Parce que lorsqu’on parle du
drapeau national, c’est un symbole fort. On est en train d’assister, quelque
part, à un sentiment de frustration créé maladroitement, peut-être.
Avec
du recul, pensez-vous que le Sénégal avait vraiment sa place en finale ?
Je dis bien largement. Nous
avons fait exprès d’envoyer des images pour que le peuple soit informé. Le
peuple a besoin de connaître le niveau de nos filles du volley-ball. Si vous regardez
le match du Sénégal contre le Kenya, qui a joué la finale, les Lionnes ont
dominé les deux premiers sets. Face au Cameroun, quand le Sénégal était lancé, on
était à 25 partout. Et le coach camerounais était conscient que si ses filles
lâchaient le set, cela allait être un autre match.
Qu’est-ce
qu’il convient de faire pour que le volleyball sénégalais soit plus
performant ?
C’est aux autorités
d’aider le volley-ball à arriver à un niveau tel que le sponsor va répondre. Le
sponsor n’est pas là pour la beauté de nos yeux. S’il y a l’événementiel, cela
l’intéresse. On est dans ce cas de figure. L’équipe est prête. Nous avons
travaillé sur la relève pour mettre le volley-ball féminin sur les rails. Nous
avons aussi lancé le volley-ball masculin. Et actuellement, il y a une bonne
équipe des moins de 23 ans qui se prépare chez les hommes. La Fédération a fait
ce qu’elle devait faire sur le plan technique avec ce dont elle dispose. Après,
on ne peut pas se substituer à l’État (il se répète). Peut-être que c’est un
problème de budget. S’il n’y a pas assez d’argent, le ministère n’a pas le
choix. Si un problème de trésorerie se pose, l’État n’a qu’à prendre ses
responsabilités. Le sport sénégalais a besoin d’autres moyens. Il faut mettre
ces moyens à disposition pour qu’on avance. Si vous regardez bien, le football
masculin, le handball, le basket et volley sont dans l’élite. Le rugby a fait
des efforts. Donc, d’une manière générale, le sport sénégalais se porte bien.
Il nous manque un tout petit peu pour s’imposer en Afrique. L’État doit prendre
ses responsabilités, réaménager le cadre, doter le sport sénégalais de moyens
additionnels consistants pouvant répondre aux normes du sport moderne. Parce
que les techniciens et les athlètes sont à jour. Mais, au Sénégal,
l’administration du sport n’est pas à jour par rapport à ce qui se fait
actuellement.
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