jeudi 19 octobre 2017

Volley-ball : Entretien avec Amadou Sène, sélectionneur des Lionnes

«Avoir le potentiel ne suffit pas pour décrocher un titre»
Amadou Sène, coach des Lionnes

L’équipe nationale féminine du Sénégal fait du surplace depuis 2009 au pied du podium continental. La persistance d’une situation due au manque de moyens, d’après le sélectionneur Amadou Sène, qui demande un traitement égal de toutes les Fédérations sportives au Sénégal.
Entretien
L’équipe nationale féminine a encore une fois terminé à la 4ème place au Championnat d’Afrique 2017…
Je dirais que c’est un bon bilan sur le plan sportif. Mais, quelque part, on revient avec un sentiment amer, sachant que l’équipe a le potentiel pour s’imposer en Afrique. Malheureusement, le cadre ne suit pas. Ce qui fait la différence chez les équipes de haut niveau, ce sont les conditions de préparation. Le Sénégal a besoin de gagner sa première médaille en volley-ball. Il faut que les autorités comprennent que l’équipe a un potentiel sur le plan sportif pour décrocher un titre. Cela nécessite un accompagnement. Une fois que cela sera fait, par la grâce de Dieu, les résultats suivront pour le Sénégal. Lorsqu’il s’agissait de préparer l’équipe de basket masculine, dont l’objectif était de chercher le titre continental, elle était dans de bonnes conditions. Il faut que les autorités mettent ce même dispositif dans le volley-ball pour aspirer à un titre. Nous n’avons rien à leur apprendre.
Ce dispositif nécessaire n’a-t-il pas été mis en place pour le volley-ball ?
Pas du tout. Je suis désolé. Toutes les filles ont travaillé ensemble pendant deux ou trois jours. On nous avait permis 10 jours de préparation en internat. Sur les 10 jours, on avait rendu les athlètes disponibles. Mais les billets d’avion ont été disponibles tardivement. Conséquence : cela a influé sur le temps de préparation pour le groupe. On l’a dit et c’est assez désolant. Lorsque nous avons posé le problème, on nous a fait savoir que le DAGE (du ministère des Sports) n’était pas là et que c’est lui seul qui pouvait décanter la situation et donner des billets d’avion. Donc, ceci était un handicap. On a fait avec. En plus, il y a le problème du staff. Le volley-ball de haut niveau répond à certains critères. Et un staff doit être complet. Dans une équipe, un staff qui va en compétition, vous avez un entraîneur et les deux assistants, un kiné, un médecin. Et il y a aussi ce qu’on appelle le scouting.
En quoi le scouting peut-être un facteur déterminant ?
C’est un élément très déterminant pour le volley-ball actuel. Le scouting permet d’observer l’adversaire. De travailler sur leurs forces et sur leurs faiblesses et les logiciels sont en place. Nous avons formé les techniciens qui ont le savoir pour faire ce travail. Mais, si on ne les déplace pas qu’est-ce qu’on peut faire ? Cela me rappelle en 2011 quand il y avait un match décisif entre la Tunisie et le Sénégal pour passer en demi-finales. Nous avions fait le sacrifice avec l’appui de la SOCOCIM d’amener un technicien scouting, qui avait fait un travail énorme. Il nous avait aidés à prendre le dessus sur la Tunisie qui avait une meilleure préparation que nous. Le scouting, c’est un élément important. Donc, je pense qu’il est important de remettre de l’ordre, de se passer d’une situation où on est à porte-à-faux avec le ministère des Sports. Je veux juste que nous soyons objectifs, qu’on ouvre les yeux. Qu’on essaie de voir ce qui se passe ailleurs et suivre. On ne réinvente pas la roue. Donc, les équipes qui sont devant le Sénégal et même certaines qui sont derrière sont dotées d’équipements appropriés pour vraiment aspirer à conquérir un titre africain.
Vous rentrez avec un sentiment d’amertume. Est-ce dû au fait que l’objectif de départ n’a pas été atteint ?
L’objectif fixé, c’était le podium. Mais l’environnement de préparation n’était pas conforme aux exigences de haut niveau. La façon dont s’est préparée l’équipe nationale de volley-ball, on n’oserait pas le faire avec l’équipe nationale de basket. On n’oserait pas non plus préparer l’équipe nationale de football de cette façon. Et pourtant, l’équipe nationale de volley-ball aspire au même titre que ces dernières à des résultats. Et le volley-ball dispose des potentialités pour y arriver. Donc, c’est une question de prise en compte. C’est tout. Il faut s’approprier la chose et faire ce qu’on doit faire. Le travail des techniciens consiste à faire des détections, la formation, à créer un environnement de compétition pouvant permettre de progresser dans la discipline. Et cela a été fait. Mais au-delà de cela, il faut aspirer à des titres africains. Sur ce registre, il y a des exigences. Le Cameroun s’est préparé pendant plus de 3 semaines au Brésil, le Sénégal l’a fait en moins d’une semaine à domicile. Dire que vous allez battre le Cameroun en pensant que vous êtes plus forts, c’est injuste. L’autre chose, quand on parle d’une équipe nationale, à mon avis, il doit y avoir un protocole pour toutes les équipes nationales du Sénégal. Parce que lorsqu’on parle du drapeau national, c’est un symbole fort. On est en train d’assister, quelque part, à un sentiment de frustration créé maladroitement, peut-être.
Avec du recul, pensez-vous que le Sénégal avait vraiment sa place en finale ?
Je dis bien largement. Nous avons fait exprès d’envoyer des images pour que le peuple soit informé. Le peuple a besoin de connaître le niveau de nos filles du volley-ball. Si vous regardez le match du Sénégal contre le Kenya, qui a joué la finale, les Lionnes ont dominé les deux premiers sets. Face au Cameroun, quand le Sénégal était lancé, on était à 25 partout. Et le coach camerounais était conscient que si ses filles lâchaient le set, cela allait être un autre match.
Qu’est-ce qu’il convient de faire pour que le volleyball sénégalais soit plus performant ?
C’est aux autorités d’aider le volley-ball à arriver à un niveau tel que le sponsor va répondre. Le sponsor n’est pas là pour la beauté de nos yeux. S’il y a l’événementiel, cela l’intéresse. On est dans ce cas de figure. L’équipe est prête. Nous avons travaillé sur la relève pour mettre le volley-ball féminin sur les rails. Nous avons aussi lancé le volley-ball masculin. Et actuellement, il y a une bonne équipe des moins de 23 ans qui se prépare chez les hommes. La Fédération a fait ce qu’elle devait faire sur le plan technique avec ce dont elle dispose. Après, on ne peut pas se substituer à l’État (il se répète). Peut-être que c’est un problème de budget. S’il n’y a pas assez d’argent, le ministère n’a pas le choix. Si un problème de trésorerie se pose, l’État n’a qu’à prendre ses responsabilités. Le sport sénégalais a besoin d’autres moyens. Il faut mettre ces moyens à disposition pour qu’on avance. Si vous regardez bien, le football masculin, le handball, le basket et volley sont dans l’élite. Le rugby a fait des efforts. Donc, d’une manière générale, le sport sénégalais se porte bien. Il nous manque un tout petit peu pour s’imposer en Afrique. L’État doit prendre ses responsabilités, réaménager le cadre, doter le sport sénégalais de moyens additionnels consistants pouvant répondre aux normes du sport moderne. Parce que les techniciens et les athlètes sont à jour. Mais, au Sénégal, l’administration du sport n’est pas à jour par rapport à ce qui se fait actuellement.

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